Daflag

CE QUE DIT L’OCEAN

« Je pense que j’étais déjà peintre à la maternelle. Je me souviens pas exactement de ce que je dessinais, mais je sais que la peinture, elle était de partout. La peinture, je pense que c’est d’abord une manière de voir le monde, les choses qui t’entourent. »

La vie peut réserver de très bonnes surprises. En peinture, comme en toute chose, elle vous apporte parfois juste ce que vous attendiez. Il y a deux ans, Kossi Homawoo organise une expo au Togo. Le local qu’il a prévu demande une nouvelle couche de peinture. Une équipe va s’en occuper. Et puis la veille de l’accrochage, trois artistes font défection. L’un des meilleurs amis de Kossi lui propose alors son frère. « C’est un garçon que personne ne connaît, un solitaire, plutôt réservé. Il a amené avec lui une cinquantaine de petits formats. » Kossi tombe en arrêt. Le peintre est là, sur une échelle, et il badigeonne le mur.

L’abstraction est un exercice hautement périlleux. Il peut atteindre au sublime, comme s’enfoncer dans l’incohérence et l’absurdité. « Le travail de Daflag, c’était un moment… tellement rare. Je suis resté sans mot et je lui ai achèté déjà dix de ses tableaux. Au final, lui seul aura vendu pendant l’exposition. Il est unique, c’est un OVNI. » 

Son parcours, Kofi Amewonou (Daflag) l’explique dans une immense simplicité. Beaucoup de peintres disent ces mots, mais ici, ils sont à prendre à la lettre. « Je pense que j’étais déjà peintre à la maternelle. Je me souviens pas exactement de ce que je dessinais, mais je sais que la peinture, elle était de partout. La peinture, je pense que c’est d’abord une manière de voir le monde, les choses qui t’entourent. » Évident pour lui, mais très peu aux yeux de ses proches qui voient dans tout ça un inutile barbouillage. Il commence donc par être enseignant et puis un peu plus tard, il laisse tout tomber pour revenir à ses toiles. A cette époque, sa propriétaire continue de se moquer et il travaille dans un pressing et une buanderie. Et à l’occasion, il peint des murs. On peut légitimement penser que ces mouvements du rouleau, ces rechampis, ces coups de brosse le réconfortent d’une certaine façon.

 

L’exposition d’il y a deux ans lui a donc confirmé quelques éléments moteurs. La peinture commence avec la lumière. En somme, elle est à l’image de l’aube sur la plage de Kodjovakopé. « Je passe beaucoup de temps devant l’océan. C’est un endroit qui n’arrête pas de changer. Par exemple, le vert de l’eau, selon le temps, selon la lumière du moment. Je fais de la musique, je m’entraîne, je cours, et je regarde. » 

 

Dans sa collaboration présente, il est donc question de ces variations subtiles, quasiment naturalistes, que le jour imprime à la matière. Rares sont les peintres africains qui fréquentent cette transparence de la teinte. Par instant, on songe à des buées de couleurs. Des coulées d’eau ruisselante, peut-être la pluie, ou la vapeur qui vient avec la grande chaleur. En tous cas, cette peinture avait un rendez-vous obligé avec les prints que lui propose Kossi Homawoo. C’est étonnant tout de même, mais ils ont, l’un et l’autre, des parcours qui se recoupent. Un jour sur un chantier, la peinture et la lumière.

 

Roger Calmé (ZO mag’)