Kukoff

LE CROISEMENT DE LA CLARTE

Et si la peinture pouvait nous guérir ? En ce sens qu’elle apaiserait, rendrait confiance, qu’elle aurait la capacité d’endormir les sombres sentiments… L’époque actuelle parle beaucoup d’immersion. Eh bien, la peinture pourrait offrir des expériences de ce type. On plongerait ainsi dans le bleu de Klein, dans les jaunes de Van Gogh, on se gorgerait des orangés de Stael et on viendrait ensuite dans le blanc de Kukoff. Thérapeutique en somme, comme les fibres d’akussa, cette écorce qui sert à laver le corps, mais aussi à le soigner. La lumière est bonne pour quantité de choses. Elle permet de rétablir la bonne humeur et d’y voir clair.


Il y a vingt ans de ça, alors qu’il commençait ce voyage de la peinture, Koffi Kugbé se souvient d’avoir été comme beaucoup d’artistes, dans sa confrontation à la toile. “C’était un rapport très passionné. Je voulais tout saisir, je ne comprenais pas bien, mais je mettais beaucoup d’action.” Il en résultait une peinture complexe, qui abondait de formes, et qui remplissait à ras bord la toile. Au point de l’étouffer, dit-il avec le recul. En 2005, il s’éloigne. C’est comme de prendre un chemin et d’ouvrir un paysage. Au départ, on regarde devant ses pieds et puis le regard s’élargit, et il vient quelque chose de plus grand.

Kukoff est un homme singulier. En ce sens que sa toile est un terrain d’expérimentation lente. Pourquoi lent? parce qu’elle se découvre dans son propre mouvement. Rien ne s’arrête en elle, elle ne fixe pas vraiment l’instant, elle est la vibration de cet instant. Disons simplement, comme la clarté dans un arbre, qui dissout la forme, la couleur, qui l’inonde et la nourrit, lui redonne vie, l’éclaircit ou l’assombrit. Il suffit que l’orientation du soleil change d’un millimètre. “Je m’intéresse à ça, à la couleur, prise dans le mouvement de la lumière, dans ce tourbillon qui donne le mouvement. Plus rien n’est statique. La composition perd de son importance, la forme n’organise plus le tableau. Peut-être d’essayer de capter ce qui organise… et qu’on ne voit pas. Le Tout qui est derrière cette réalité. “


Les tableaux de Kukoff ne parlent que de ça. Nos vies. Le propos est profondément humaniste… Des femmes assises, des enfants qui vont, des portraits sans doute, dans des instants quotidiens, l’ombre d’un arbre, contre un mur blanc, devant un rivage. Les visages n’apparaissent pas, mais est-ce si important l’identité? Le particulier est accessoire.


Si l’on regarde la vie ainsi, sans s’arrêter au vacarme immédiat, la peinture devient thérapeutique. Elle offre une objectivité nouvelle, relative, sans ambition autre que de capter les particules électriques et invisibles de notre vitalité. Dans toute sa beauté du quotidien.
A cet instant de la conversation, Kossi Homawoo dit simplement. “La recherche du mieux-être. La lumière, l’interrupteur que l’on branche.” Il tient Kukoff comme un élément essentiel, capable de stimuler la création et l’usage apaisant de celle-ci. Les premières impressions ont donné des résultats étonnants. La translucidité du plexiglas est dans une parfaite adéquation avec les sources lumineuses, celle du dehors (jour) et celle du dedans (LED). L’obscurité se dissipe. Ce n’est rien qu’une lumière et c’est essentiel.


Roger Calmé (ZO mag’)